Pièce de théâtre vue par André Robert au théâtre Romain Rolland de Villejuif, le 1erfévrier 2025. Durée : 1h35.
Mettre l’école sur la scène théâtrale est devenu ces dernières années un genre en soi, à la mesure de l’importance cruciale prise dans nos sociétés par la scolarisation et de l’injustice inscrite au cœur de cette institution qui, sous couvert de méritocratie, justifie des écarts de réussite entre élèves de plus en plus socialement marqués, comme l’attestent les enquêtes internationales. Plusieurs spectacles ont à ce titre déjà été salués par l’Ours : Elémentaire, Qu’il fait beau, cela vous suffit, Kevin, J’ai trop peur… Notre école s’inscrit dans cette veine, avec ses spécificités. Stéphane, ex-cancre, et Jana, ex-première de la classe, qui forment un couple à la ville et à la scène (Compagnie (S)-Vrai), très attentifs aux études de leur fille et au contexte scolaire contemporain (évaluation permanente, rôle de Pronote, finalités utilitaristes), ont mené plusieurs expériences créatives avec des élèves et des profs de REP+ en Seine Saint-Denis entre 2019 et 2022. La finalité visée était en quelque sorte de ménager des moments de liberté et de manières de faire autrement au sein de la forme scolaire dominante, si contraignante et si excluante pour tant d’élèves, notamment de banlieue, qui ont bien compris les places reléguées que le système scolaire leur assigne très tôt (Bourdieu, cité, n’est pas loin).
Avec la complicité de Ada Harb, Baptiste Febvre, Pierre Fruchard et Wilfrid Roche, le spectacle consiste en la restitution dramaturgique de ces expériences, au devenir mitigé, autour de la question: quelle école voulons-nous pour demain ? Sur l’habile scénographie de Margaux Folléa, la pièce procède sans didactisme (à éviter par-dessus tout ici) en organisant constamment des passages de l’école à la théâtralisation, et inversement. Avec le support des tableaux classiques des salles de classes, de quelques accessoires, d’instruments de musique et de vidéos (Frédérique Ribis) enregistrées sur le vif (intelligence formidable de paroles d’élèves), il se passe toujours quelque chose de vivant et interrogeant sur le plateau. Stéphane ne cache pas son désespoir, sa manière à lui de faire un burn-out, son impossibilité à retourner au collège tandis que Jana continue à croire, avec deux jeunes enseignants, qu’une rupture peut advenir et changer le cours des choses, ré-enchanter l’école, ce que donne à voir une petite féérie inattendue. Et Stéphane lui-même, qui a pu trouver une école publique différente (en forêt, dans le même département), se rallie à la note ultime d’optimisme que transmet le beau finale chanté.
Cette chronique a été publiée dans L’Ours,n° 540, mars-avril 2025.